« A l'abordaaaage ! » Ma sœur sauta dans la cabane en mimant un pirate. Je lui avais dit qu'une fille ne pouvait pas être un pirate. Sa réponse m'avait valu rester attaché, ligoté même. On était jumeaux et s'était sans doute elle la plus téméraire. Mes lunettes tombaient sur mon nez. Je tentais bien que mal de les relever, en ayant pas l'usage de mes mains. C'est alors que la voix de notre mère retentit dans le jardin. « Poppy ! Alvin ! Nous partons ! » Ma sœur lâcha son épée en bois avant d'aller desserrer mes liens et nous descendions de la cabane dans l'arbre avant de courir en direction du salon. Ma mère tenait Rose dans ses bras et soupira en nous voyant. « Vous êtes sales ! Au lavabo ! » Notre père nous y conduit en nous débarbouillant. On fit chacun notre tour une grimace avant d'enfiler des habits propres et d'être prêt pour aller chez tante Judie. C'était un peu un rituel de chaque mois. C'était la sœur de ma mère et elles étaient très proches. Le trajet fut assez cours, quinze minutes de voiture. Avec Poppy, on arrêtait pas de se chamailler pendant le trajet et Rose se mit à pleurer dans son siège auto. « Ca suffit ! Tenez vous tranquille ! » « T'es nul ! » « C'est toi la nulle ! » « CA SUFFIT ! » La voix de notre mère se fit tranchante et on finit par se tenir tranquille durant le reste du trajet. A l'arrivée, nous sortions de la voiture et nous nous tenions bien sage devant la porte d'entrée. Tante Judie ne mit pas longtemps à venir. Tante célibataire qui prônait l’indépendance de la femme et qui ne voulait en aucun cas se marier et faire des enfants. On entrait dans la maison. « Je te jure Haylee. Elle est partie. Comme ça, faire le tour du monde avec son nouveau jules et elle me laisse la petite dans les bras. » Avec Poppy nous avions aperçu une fillette rousse dans le jardin en train de jouer avec le chien. « Rory ! Viens dire bonjour ! » Elle s'était levée et s'était dirigée vers nous avant de nous sourire avec politesse. Avec Poppy, on s'en moquait éperdument et on allait partir jouer dans le jardin quand notre père nous pris par le col de chemise. « Vous allez jouer sagement avec Rory. » Nous fîmes la tête. Pourtant Rory elle était gentille. Elle avait un air innocent sur le visage, pas comme nous. « Pourquoi t'es là ? » Poppy et son tact... Je tapais ma sœur en lui disant que c'était impoli. Elle était à deux doigts de me frapper quand on vit que Rory avait les larmes aux yeux. « C'est de ta faute ! Tu l'as fais pleurer ! » Je frappais ma sœur qui me le rendit bien. Cela fini en bataille entre nous, les jumeaux et Rory qui pleurait à chaudes larmes. Sa mère n'était jamais revenue la chercher, la laissant à sa meilleure amie.
Cela faisait deux ans que Rory était arrivée parmi nous. Nous étions dans le jardin tous les deux après l'école. Je la poussais sur la balançoire, regardant ses cheveux roux voler au vent. Elle était super jolie. Je fermais un instant les yeux et je manquais de me prendre la balançoire en plein dans la tête. Cela était passé à quelques centimètres de ma tête. Elle avait perdu l'équilibre et elle était tombée sur moi. Je tombais sur le sol et elle riait. « Dis... On se mariera plus tard ? » Fis-je en la regardant. Elle me fit un grand sourire. « Bien sur que oui ! » Elle se collait à moi. J'avais huit ans mais je ne voyais personne d'autre que Rory. Je lui déposais un baiser sur la joue. Ce que je ne savais pas c'était que Tante Judie avait prévu un déménagement plusieurs mois plus tard et ce fut le cœur brisé que je vis Rory quitter ma vie.

Rory était partie. Quand j'avais appris son départ c'était comme si un séisme avait subi. Poppy n'avait rien dit, mes parents disaient que ce serait mieux pour elle pour qu'elle oublie le traumatisme de l'abandon de sa mère. Mais moi, moi je le vivais très mal. J'avais pleuré, beaucoup. Puis, les années étaient passés et le collège était arrivé. Ce fut à cette période que je m'intéressais au cinéma. Je passais mes week-end entier à regarder des films pendant que Poppy sortait avec ses amies. Mes parents s'inquiétèrent tellement de mon renfermement qu'ils m'inscrivirent au club de base-ball de la ville. Mauvaise idée. Très mauvaise idée. C'était jour de match et je tremblais tout seul sur le banc. « Pourquoi t'es stressé ? » Aaron mon meilleur ami me regardait en arquant un sourcil. On s'était rencontré ici et même si on était extrêmement différent, on s'entendait vraiment bien. « Je te signale que je cours comme un poulet à qu'il manquerait une patte. Je suis plus à l'aise derrière une caméra ou avec un crayon qu'avec une batte de base-ball. » « Quitte pas la balle et ça ira ! » « Merci monsieur le sportif. » Fis-je ironiquement alors qu'il me donna une tape sur l'épaule. On était pas du même gabarit et je sentis son coup passé. C'était à mon tour. L'heure de gloire ou pas... J'étais prêt à batter, je fixais des yeux la balle, peut-être un peu trop. Je ressentis une douleur intense au niveau de la tête et puis plus rien. Je repris conscience à l'hôpital. « Okay on abandonne l'idée du sport. » Déclara mon père quand j'avais ouvert les yeux. J'avais un hématome énorme sur la tête. Quand je retourna au collège, Aaron m’accueillit hilare : « je n'aurai jamais cru voir quelqu'un se faire assommer par une balle de base-ball un jour. Tu m'as tué ! » Je fis une grimace avant de prendre la direction de mon club. J'y étais inscris depuis septembre et le cinéma c'était vraiment tout pour moi, c'était mon cocon. Ma liberté.

J'étais en retard, j'avais passé toute la nuit à écrire un scénario que je comptais envoyer. Je courrais à tout rompre manquant de m'exploser les côtes à chaque moment. Décidément tout ce qui était exercice physique ce n'était pas pour moi. Aaron était bien plus fort. Je courrais dans la rue avant d'arriver au lycée, de gravir les marches en courant. Je manquais de me prendre la porte de la salle de mathématiques mais fort heureusement je m'arrêta à temps avant d'entrer d'un coup dans la salle. Je vis le professeur sourire d'un air sadique. « Monsieur Powell, bien content que vous fassiez acte de présence. » J'étais essoufflé et je mis mes mains sur mes genoux pour reprendre mon souffle. Plus jamais courir dès le matin, j'avais l'impression que j'allais rendre mon petit-déjeuner. J'entendis le rire d'Aaron au fond de la salle. « J'ai...j'ai... » Je souffla un bon coup pour reprendre définitivement ma respiration. « J'ai oublié de me lever. » « Je m'en moque de vos excuses. Du coup, vous allez prendre en charge la nouvelle élève, ça vous occupera. N'essayez pas de dormir à mon cours Powell, déjà que vos notes sont catastrophiques, je ne pense pas que vous pourriez atteindre le plafond de la nullité d'avantage. » Je soupirais en commençant à rejoindre ma chaise. « UN PEU DE TENUE POWELL ! » Je me laissais tomber sur ma chaise près d'Aaron qui ne pouvait s'empêcher de garder son sourire aux lèvres. Je sortis mon livre de mathématiques et mon classeur. « C'est qui la nouvelle en fait? » Il pointa son crayon vers une demoiselle au premier rang. Purée une première de la classe en plus ?! Pas cool. Elle était rousse. Elle me rappelait Rory. Je jouais avec mon crayon dans la main. « Pourquoi tu viendrais pas courir avec moi tous les matins ? » « T'es sérieux ?! » Je soupirais en prenant des notes brefs. « Oui Rory ? » Mon crayon tomba sur mon classeur. Cette voix. C'était Rory. « HEIIIIIIIIN ? » Je m'étais levé d'un coup de ma chaise, laissant tomber mon livre de mathématiques par terre. « MONSIEUR POWELL ! » La règle avait claqué sur la table. J'étais bouche bée. Elle s'était retournée avec un sourire. C'était bien elle. Mon cœur manquait des battements. Rory était là. Rory était de nouveau là. « Euh... Alvin, rassis-toi sinon il va te tuer je crois. » Je me rassis, encore sonné. Rory. Ma Rory.

Elle était tout pour moi et pourtant elle allait au bal de promo avec un autre gars. Je me rappelais toujours de cet après-midi : « Alvin ! » « Tu vas bien ? » Elle avait un grand sourire aux lèvres, je compris rapidement qu'elle allait... très bien. « Max m'a demandé de l'accompagner au bal ! Et moi qui ne pensait pas lui plaire ! » Elle riait de ce rire cristallin. Pourtant, mon cœur se serra. J'étais vert. Cela s'était joué à quoi ? Cinq minutes ? Pourquoi je m'étais pas déclaré à ce moment précis ? Pourquoi je ne lui avais pas dit ? J'étais rongé, cela me bouffait et c'était seul que je me préparais pour ce foutu bal. Le lycée se terminait et j'avais été accepté dans une école de cinéma. Ma mère m'aidait à faire ma cravate. « Mon grand garçon. » Elle souriait mais vit rapidement que j'étais tracassé. « Tu sais, il n'est jamais trop tard pour faire le bon choix. » Elle me déposa un baiser sur la joue et je partis au bal. Aaron y était avec sa merveilleuse cavalière, le sportif et la jolie pom-pom girl quel cliché et puis... Rory était là. Elle était merveilleuse dans cette robe et pourtant j'avais la haine. Max était là. Espèce d'enfoiré. Je serrais les poings et au final je m'approchais de Rory. Je me sentais poussé des ailes. Ma mère avait raison, il n'était jamais trop tard pour faire le bon choix. Je pris Rory par le bras. « Alvin ! » Elle me sourit et là tout bascula : « Tu te rappelles de ce que je t'ai dit quand on était gamin ? Qu'un jour on se marierai. Je t'aime Rory, je t'ai jamais oublié et si tu savais quand tu es revenu le bon dans ma poitrine. Je t'aime, je t'aime énormément. Je veux que tu sois avec moi pour toujours. » Je la regardais dans les yeux avant de l'embrasser. Ce moment, je crus le vivre pendant une éternité. Je quittais ses lèvres en la regardant. « Je t'aime Rory. » Je posais un genou à terre. « Et je sais que même si on a été à aucun rendez-vous c'est avec toi que je veux passer le reste de ma vie. Okay, là je n'ai aucune bague à te proposer, mais je veux qu'on soit ensemble. Pour toujours. » Elle avait souri et ses yeux se firent en amandes. Je n'aurai jamais cru qu'elle me dise qu'elle acceptait. Prends-ça dans les dents Max, je récupère ma destinée.

Moi qui me rêvait être un grand scénariste voilà que j'enseignais le cinéma à l'université. J'avais échoué plusieurs fois, des fois pas de réponse, des fois certains qui cinglaient mon travail. J'avais carrément abandonné l'écriture. Je ne voulais plus écrire car à chaque fois les critiques me faisaient souffrir. Je considérais mon talent comme perdu alors je tentais de diffuser ma passion du cinéma à certains. Je rentrais chez moi en traînant des pieds et en soupirant. J'étais vraiment un raté par moment. Je m'attendais à trouver la porte fermée, mais elle était déjà rentrée. C'était rare qu'elle rentre tôt. Je déposais mes affaires dans l'entrée avant de la rejoindre sur le canapé. « Dure journée ? » « Tu rentres bien tôt. » « Tu as l'air fatigué. » Elle passa sa main sur ma joue et je souris avant de lui voler un baiser et de la prendre dans mes bras. On s'était marié jeunes, je me rappellerai toujours de la tête de mes parents. « MAIS TU AS PERDU LA TETE ?! » avait cinglé ma mère en me tapant avec un torchon. « CE N'EST PAS PARCE QUE JE T'AI DIS QU'IL ETAIT JAMAIS TROP TARD QU'IL FAUT PRECIPITER LES CHOSES ! TU PEUX PAS PROPOSER UNE SORTIE CINEMA COMME TOUT LE MONDE ! » Je reçus encore plusieurs coups de torchons, elle frappait fort en plus. Poppy me regardait comme si j'étais devenu fou et Rose riait aux éclats bien contente de la tournure des événements. Une personne restait extrêmement calme c'était mon père qui avait passé sa tête au-dessus du journal. Cela avait été le lendemain matin du bal de promo, et je venais de lancer une bombe dans la cuisine. Le téléphone se mit à sonner et ma mère vit que c'était tante Judie. Peut-être que Rory lui avait tout raconté. « Ce gosse, il n'a jamais rien compris de toute manière. » déclarait mon père derrière son journal avant de lire la page des sports. Il n'avait pas sur-réagi mais ma mère me donna encore un coup de torchon avant de m'expulser de la cuisine, rouge de colère. « DANS TA CHAMBRE ! » Comme punition il y avait pire. Aujourd'hui je regardais Rory et je ne pouvais m’empêcher de rire encore de la réaction de la famille il y a des années. N'empêche on était toujours là, ensemble, tout les deux. Je passais mes mains sur son ventre en l'embrassant délicatement dans le coup mais elle me mit un coup dans les côtes qui me coupa la respiration. « T'es lourd Alvin ! » « Parce que je veux un calin ? »[/color] « Je sais très bien à quoi tu penses et pour le moment c'est non ! C'est pas le moment avec mon travail. » « mais j'ai rien dit. » « Tu l'as pensé trop fort. » Elle fronçait les sourcils et je fis une moue. « Tu devrais te remettre à écrire. » Cette remarque me piqua au vif et je ronchonna. « Tu sais très bien que j'ai arrêté. » Elle me regarda en soupirant. « Et bien recommence, renvoie partout, ça paiera un jour. » Elle sortit de la pièce et je soupirais longuement. Non, ça ne paiera jamais.