Rio de Janeiro, Brésil
26 janvier 2013

Je me connais, cette lettre n’arrivera jamais jusqu’à toi, je n’aurai pas le courage de l’envoyer. Mais je ressentais le besoin de te l’écrire quand même. Qui sait, quand on sera vieux et tous ridés, peut-être que je te la montrerai. Il faut très chaud ici, j’ai jamais eu autant chaud pour mon anniversaire. Le soleil tape haut depuis tôt ce matin. J’ai décidé de me prendre une journée de repos, je vais sûrement en profiter pour aller sur la plage - mais je vais devoir attendre qu’il fasse moins beau, sinon je vais finir rouge écrevisse. J’ai rencontré quelques personnes ici, c’est fou ce que les brésiliens sont accueillants et chaleureux. Tu te plairais ici, tu sais. Je suis sûr que le rythme de vie te conviendrait. Et puis, tu aurais pu être à mes côtés aujourd’hui… J’aurais aimé que tu le sois en tous cas. J’ai l’impression que je ne t’ai pas vu depuis des siècles, alors que je t’ai eu au téléphone il y a pas moins de trois jours. Le temps passe vite, le temps est long, ça dépend des jours. Je pars la semaine prochaine d’ici, direction l’Allemagne. Changement racial, mais j’ai hâte. Ca fait longtemps que je n’ai pas été en Europe, ça me manque. Je vais en profiter pour rendre visite à mes cousins, ils me manquent. Ma famille me manque aussi, vous aussi. Je ne vais pas épiloguer pour une lettre que je ne n’enverrai jamais.
Tu me manques plus que les autres, Zelda.

Linc

Zurich, Suisse
14 février 2013

La neige est magnifique ici, je crois que j’en ai jamais vu d’aussi belle. On s’est pris une semaine de vacances avec les collègues pour aller faire du ski. Ca faisait des années que j’étais pas monté sur ces engins, j’avais l’air d’un clown, ça t’aurait fait rire. La boite dans laquelle je bosse en ce moment est cool, j’ai de la chance je crois. Au moins, j’ai un job qui me permet de renflouer mon compte en banque jusqu’au moment où j’aurai trouvé mieux. Aujourd’hui est un jour particulier aussi, c’est la première saint Valentin que je fais sans toi. Autant te dire que quand j’ai vu la date ce matin en me réveillant, ça m’a fait un pincement au coeur. Encore une fois, j’aurai aimé que tu sois à mes côtés, mais ce n’est pas le chemin que j’ai suivi… Je vais aller me coucher, demain est notre dernier jour.
Est-ce que tu penses que j’arriverai à réellement te considérer juste comme une amie un jour ?

Linc

Londres, Angleterre
25 décembre 2013

Ca fait un moment que je ne me suis pas posé pour t’écrire… Si on peut appeler ça t’écrire, vu que je t’envoie pas les lettres. J’aurai pu rentrer pour Noël, mais je n’avais pas la force de revenir à Fairhope et de te voir je crois. Ma mère a pleuré quand je l’ai eu au téléphone, mon absence semble se faire ressentir de plus en plus j’ai l’impression. Ils me manquent aussi énormément, mais non, je n’avais juste pas la force… Ca n’a pas été la joie ces derniers temps. Ca fait quatre mois que j’ai plus de boulot, la boite dans laquelle j’étais en Allemagne a fermé. Je crèche chez mon cousin à Londres en attendant de trouver quelque-chose. Je passe Noël avec eux du coup cette année. Ca fait du bien d’être avec des visages familiers. L’autre jour, je marchais dans le centre ville et j’ai déniché une petite boutique, tout à fait le style qui t’aurait plu. J’ai même acheté deux-trois babioles là-bas, je comptais te les envoyer et puis je me suis ravisé - comme pour ces lettres que je ne t’envoie pas non plus. Mon cousin s’est foutu de ma gueule au début, quand je lui ai expliqué - il est tombé sur les lettres un soir alors que j’avais oublié de les ranger. Maintenant, je crois qu’il a juste pitié de moi. J’ai rencontré une de ses copines d’école, elle est sympa, je crois que je lui plais bien. Mais je n’arrive pas à m’intéresser à elle, je t’ai encore dans la peau malgré tout. Elle s’appelle Elena. Et je ne sais même pas pourquoi je te dis tout ça à toi. Tu as déjà du passer à autre chose depuis longtemps, toi.
Joyeux Noël, Zelda.

Lincoln

Londres, Angleterre
2 janvier 2014

Le jour de l’an a été dur à assumer. Je me suis fait embarquer dans une idée à la con de mon cousin, et j’avoue ne pas me rappeler une bonne partie de la soirée. Gros trou noir. Mais enfin, je me suis vidé la tête au moins. Pour une soirée, je t’ai laissé de côté, j’ai tenté de vivre comme si ton absence ne m’était pas insupportable.
Bonne année à toi, j’espère que tu vas bien, appelles moi.
Lincoln

Brisbane, Australie
14 mars 2014

Je suis enfin parti de Londres, j’en pouvais plus d’être dépendant de ma famille de la sorte. Ma mère m’a envoyé de l’argent et j’ai pris le premier billet qui partait pour l’Australie. Brisbane est une belle ville, tout est tellement différent ici. J’ai retrouvé cette chaleur qui me manquait tant du Brésil, ça joue pas mal sur mon moral je crois. Elena devrait me rejoindre dans quelques jours. Oui, j’ai fini par céder à la tentation… Mais je suis bien avec elle. Depuis longtemps, je ne m’étais pas senti aussi bien avec quelqu’un je crois. Et elle a accepté de laisser Londres derrière elle pour partir avec moi. Je veux dire, elle l’a fait, et toi qui voulait pas partir de Fairhope… Je sais que ce n’est pas la femme de ma vie, la femme de ma vie, ça doit être toi. Je t’ai toujours dans la peau, mais mes pensées s’éclaircissent avec Elena. J’ai trouvé un petit appartement, où on pourra être bien. Je sais que je n’étais pas prêt avec toi, mais avec elle… C’est différent. Je pense que ça ressemblera plus à une colocation qu’autre chose. Elle sait mon état d’esprit par rapport à la dernière fois que tu m’as proposé de vivre ensemble, et elle accepte. Je sais pas, c’est différent avec elle… Mais je regrette maintenant de ne pas avoir mis mes angoisses de côté pour que ce soit toi à mes côtés.
J’ai été con, pardonnes moi Zelda.

Ton Lincoln

Brisbane, Australie
26 mai 2014

Avec Elena, ça a pas marché, j’ai tout fait merder. Une fois de plus. Boulet tu pourrais m’appeler. On a pris chacun notre appartement et on ne se voit même plus. Pourtant, aucun de nous deux est parti puisqu’on avait tous les deux trouvé un boulot sur place. Elle a été prise comme enseignante à l’université, et j’ai trouvé une place dans une des plus grosse boite du pays. Je peux enfin exercer un métier qui correspond à ma formation et mon diplôme. Et ils sont contents de mon travail. Je vais me plaire dans cette boite, c’est sur. Je pense rentrer pour les vacances d’été, une semaine ou deux, j’hésite encore. Mais je pense que ça pourrait me faire du bien. De toutes façons, on doit s’appeler ce soir. J’espère que tu ne remarqueras pas ma voix plus rauque que d’habitude, j’avoue fumer plus que d’habitude depuis que je ne suis plus avec Elena. Je m’étais habitué à sa présence, malgré tout. Mais de toutes façons, je ne pourrais pas t’en parler, tu ne sais même pas qu’elle existe. C’est dans ces moments là que je me dis que je pourrai jamais vraiment te considérer juste comme une amie.
La distance est ce qu’il y a de pire, je crois.

Linc

Fairhope, Etats-Unis
11 juillet 2014

Je suis sur place depuis quelques heures et pourtant, j’ai toujours cette impression ne pas être à la maison. C’est très étrange, comme sensation. C’est la ville où j’ai grandi et passé le plus clair de ma vie mais rentrer pour quelques temps ne me donne pas l’impression d’être chez moi. Ma mère a pleuré en me voyant à l’aéroport, ça m’a fait mal au coeur de la voir comme ça. Même si je sais que c’étaient de larmes de joie, je me dis que les autres jours ça doit être différent. Mon père commence à être malade, c’est ma soeur qui me l’a dit. Les parents en voulaient pas m’en parler, mais je suis content qu’elle l’ait fait, elle. On se voit tous demain soir, enfin les personnes qui sont à Fairhope, j’espère que tu te dégageras du temps, ton visage me manque. J’essaierai de ne pas t’embrasser en te voyant, ça va être difficile.
Enfin on se retrouve princesse.

Linc

Dans l’avion, entre Tokyo et Brisbane
17 avril 2015

Pardonnes moi de ne pas avoir écrit plus tôt. C’est juste que la dernière fois qu’on s’est vu m’a foutu les boules, clairement. J’en parle que maintenant, alors que neuf mois sont passés. Mais j’avais tellement les boules que j’ai tenté de ne plus penser à toi. Je me suis plongé corps et âme dans le boulot, ce qui a porté ses fruits tu me diras. Je fais parti maintenant des meilleurs agents de la boite, on m’envoie partout tout le temps pour des tonnes de missions. Je crois que je ne dois pas passer plus de cinq jours consécutif à Brisbane, cette ville me manque. Fairhope me manque, mais c’est devenu comme une deuxième maison ici. Je me sens chez moi de nouveau quelque part sur cette immense planète. Je me suis fait des connaissances, j’ai rencontré d’autres demoiselles avec qui je n’ai même pas essayé de construire des relations de plus de quelques semaines, j’en suis incapable de toutes façons. C’est pour ça aussi que j’avais autant les boules la dernière fois qu’on s’est vu. Tu avais l’air tellement heureuse et libérée de moi, contrairement à ce que je vis tous les jours où ton absence m’est insupportable.
Je me déteste de t’aimer autant.

L